Chers Amis
Quatre nouvelles recettes de cuisine note à note par Pierre Gagnaire, sur http://www.pierre-gagnaire.com/#/pg/pierre_et_herve/travaux_precedents/0
Vive l'art culinaire !
mercredi 28 mai 2014
lundi 19 mai 2014
Remise des prix
Chers Amis
C'est donc vendredi prochain que nous remettrons les prix du Deuxième Concours international de Cuisine note à note.
Rendez vous à 14 h, à AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, 75005 Paris. Amphithéâtre Tisserand.
jeudi 24 avril 2014
Encore cette théorie fausse du "food pairing"
Ce matin, je reçois le message suivant :
Selon vous, la théorie du food pairing n'est pas scientifique ; vous dites qu'elle n'est pas réfutable. Pourriez-vous m'expliquer plus précisément votre point de vue ?
Bien qu'elle ne soit pas scientifique, que peut apporter, selon vous, cette méthode aux professionnels des métiers de bouche ?
Ayant un Bac scientifique et un DUT dans le domaine mécanique, physique et thermique, j'ai toujours eu pour habitude de comprendre et de croire en un phénomène seulement avec des preuves bien concrètes. Mais il est vrai que plus j'ai cherché à comprendre ce concept du food pairing, plus j'étais perdue et trouvais des contradictions. Par exemple, des recettes "foodpairing" avec des ingrédients qui étaient compatibles à 7% (ce qui pour moi contredit le concept en lui-même).
Ma réponse :
Selon vous, la théorie du food pairing n'est pas scientifique ; vous dites qu'elle n'est pas réfutable. Pourriez-vous m'expliquer plus précisément votre point de vue ?
Bien qu'elle ne soit pas scientifique, que peut apporter, selon vous, cette méthode aux professionnels des métiers de bouche ?
Ayant un Bac scientifique et un DUT dans le domaine mécanique, physique et thermique, j'ai toujours eu pour habitude de comprendre et de croire en un phénomène seulement avec des preuves bien concrètes. Mais il est vrai que plus j'ai cherché à comprendre ce concept du food pairing, plus j'étais perdue et trouvais des contradictions. Par exemple, des recettes "foodpairing" avec des ingrédients qui étaient compatibles à 7% (ce qui pour moi contredit le concept en lui-même).
Ma réponse :
Une théorie, c'est un discours. Et il y a des théories de divers types. Parmi toutes les théories, les théories scientifiques sont
particulières, en ce qu'elles doivent être réfutables, disons testables :
on doit pouvoir produire une "conséquence", que l'on peut tester par
une expérience, en vue d'aboutir à un résultat qui montre en quoi la
théorie est fausse, disons insuffisante.
Parce que la science de la nature, il faut le dire, ne produit que des théories insuffisantes, par nature, et les (bons) scientifiques savent bien que des modèles réduits de la réalité ne soont pas la réalité.
Bref, dés le premier abord, le food pairing se présente comme quelque chose de pas scientifique, puisque c'est une loi générale sans possibilité de réfutation.
Je le redis différemment, pour être certain d'être bien compris : pour le food
pairing, c'est présenté comme une loi générale, donc a priori pas
réfutable. Donc disqualifié par principe, du point de vue scientifique.
D'autre
part, l'essentiel, c'est que le goût, c'est du "j'aime" ou "je n'aime
pas", et que cela n'a pas de bases "scientifiques". On ne peut pas faire de loi, ou de théorie, avec des préférences. D'ailleurs, même le goût individuel change, selon les circonstances : essayez de faire manger le même plat plusieurs fois de suite à votre entourage, et, après un certain temps, les préférences changent.
J'ajoute que le food pairing propose des associations parfaites à condition que les ingrédients aient des composés odorants "principaux" en commun. Imaginons le cas de quelqu'un qui déteste le munster : croyez vous que l'associer avec un autre ingrédient, qui aurait un composé odorant en commun suffirait à le faire manger ;-) ?
Aussi, le food pairing propose une théorie générale. Or il suffit d'un contre exemple pour abattre une loi générale, et je répète que Pierre Gagnaire a fait un plat merveilleux (je devrais dire "que j'ai adoré") en mêlant l'impossible (selon e food pairing) : du camembert avec de la framboise. Un contre exemple : donc la loi générale est abattue.
Achevons la bête. Le food pairing propose une théorie des "goûts que l'on aime", or le bon, c'est le "beau à manger", et toute l'histoire de l'esthétique (la théorie du beau, qui est le travail des philosophes et des historiens de l'art) montre que le beau d'aujourd'hui était laid hier. Le jazz, vers les années 1940, ce n'était pas de la musique. La poésie sans alexandrins et césure à l'hémistiche, ce n'était pas de l'art littéraire. L'impressionnisme, ce n'était pas de la peinture. Et ainsi de suite.
Or si les goûts changent, comment l'expliquer en termes moléculaires... qui ne changent pas.
Bref, la théorie du food pairing est aussi fausse qu'elle est naïve. Du point de vue artistique, elle est nulle.
Et puis, vous parlez de composés "compatibles". Ca veut dire quoi, au juste ?
Bref, vous avez bien raison de vous interroger, et je vous propose de ne plus perdre de temps avec ces élucubrations... qui ont été proposées, il faut le savoir, par une société qui voulait vendre ses composés odorants ("flavorings").
Ne perdons plus de temps avec la théorie fausse du food pairing, qui a leurré trop de cuisiniers. dimanche 20 avril 2014
Faut-il avoir peur de l'acide acétique glacial ?
Il
y a quelques mois une télévision étrangère est venue au
laboratoire pour m'interroger sur les dangers de l'acide acétique
glacial. M'interroger ? Leur insistance était en réalité
claire : ces gens venaient me faire que l'industrie alimentaire
mettait de l'acide acétique glacial dans les aliments, et ils
imaginaient que je décrirais des dangers terribles concernant
l'utilisation de ce fameux acide acétique glacial. Vous pensez :
un acide, acétique de surcroît, et glacial pour couronner le tout !
On
sait bien que les acides corrodent : ce produit devait donc être
très dangereux... mais ils avaient oublié qu'on peut diluer les
acides. Acétique ? Des syllabes tranchantes... mais ils avaient
oublié -ou pire, ils ignoraient- que le vinaigre, le vinaigre
normal, est vinaigre parce qu'il contient entre 5 et 10 pour cent
d'acide acétique. Enfin, glacial : cela devait être glacé,
glaçant.
Terrible,
non ? Mes interlocuteurs auraient bien voulu que je leur dise
que l'industrie alimentaire était abominable, parce qu'elle utilise
ce produit : beaucoup de ceux qui combattent l'industrie,
laquelle ne ferait que comploter contre le public (oubliant que c'est
de l'emploi... sauf le jour où il est question de licenciements
économiques), font hélas souvent la faute de confondre leur
idéologie et les faits. Par exemple, je vous ai entretenu d'un
imbécile qui, récemment, soutenait que tous nos aliments étaient
empoisonnés, parce que l'industrie était un grand capital
démoniaque (oubliant que ceux qui, dans l'industrie alimentaire,
sont à l'origine des productions, consomment ces dernières).
Bref,
mes interlocuteurs insistaient pour que je leur dise que l'acide
acétique glacial était un produit très dangereux, employé par une
industrie qui aurait voulu nous empoisonner. Dans un tel cas, il est
très difficile de bien se comporter, devant la caméra, car il faut
absolument éviter qu'un montage malhonnête des enregistrements ne
permettent aux monteurs de sortir des phrases du discours pour leur
donner un sens qui irait appuyer un a
priori
du réalisateur. Après tout, ne me suis-je pas déjà vu répondre,
à la télévision, à un journaliste que je n'avais jamais
rencontré ?
Pour
en revenir à l'a priori de l'émission, quelle naïveté navrante !
Et quelle ignorance ! Ceux qui acceptent de bien rester aux
faits seront heureux de recevoir ici quelques explications. Quand on
laisse du vin à l'air libre, des micro-organismes de l'air viennent
se poser à la surface. Le plus souvent, ils ne survivent pas, mais
certains, qui sont capables de se « nourrir » de
l'éthanol (l'alcool du vin) prolifèrent, si la température est
appropriée. Parmi ces micro-organismes capables de « vivre du
vin », certains sont les mycodermes acétiques, Mycoderma
acetii, qui transforment l'éthanol en acide acétique. Et c'est
ainsi qu'ils produisent du vinaigre à partir du vin.
Evidemment,
ces mycodermes n'ont pas besoin du vin, et ils se développent
également sur une solution d'éthanol dans l'eau. D'ailleurs, bien
des pays n'ont pas de vin, mais ont du vinaigre : pensons au
vinaigre de riz, par exemple.
Comment
passe-t-on du vinaigre à l'acide acétique glacial ? On peut
distiller (ou congeler) du vinaigre, pour en séparer l'eau d'un côté
et l'acide acétique pur, de l'autre. Ou l'on peut aussi oxyder du
butane, ou encore le récupérer dans la production d'acétate de
cellulose, par exemple. L'acide acétique pur est nommé « glacial »,
parce qu'il forme des cristaux semblables à de la glace lorsque la
température est inférieure à 17 degré.
Cet
acide est-il comestible ? consommable ? Non : même si
l'acide acétique est considéré comme un « acide faible »,
par les chimistes (et c'est un fait qu'il est bien plus faible que
l'acide chlorhydrique, par exemple), il reste très caustique, et il
faudrait être idiot pour le consommer « pur ». Pour le
mettre dans un aliment, il faut le doser, afin que sa concentration
devienne inférieure à celle d'un vinaigre.
Cela
étant, il y a le mot « pur », qui est important, dans la
phrase précédente : en chimie, un produit « pur »,
cela n'existe pas, et il y a toujours des « impuretés ».
Celles-ci ne doivent pas être toxiques, évidemment. Mais il faut
ajouter, à ce stade, que la distillation de vin ne fait pas
nécessairement mieux que l'oxydation du butane. Et, enfin, ces
impuretés seront finalement diluées, comme l'acide acétique
glacial.
Donc
oui, certaines industries utilisent de l'acide acétique glacial,
parce que les services de l'Etat ont défini les conditions
d'utilisations, sans risque pour les citoyens. Inversement, non, nous
ne mangeons ni ne buvons pas d'acide acétique glacial, parce que
l'acide acétique, une fois dans des aliments, n'est plus glacial,
mais dilué... comme quand nous ajoutons du vinaigre dans une sauce
mayonnaise ou dans une marinade.
dimanche 13 avril 2014
Et voici la preuve…
Ceux qui me lisent risquent de me
trouver lancinant, mais je crois bonne la méthode qui consiste à
justifier ce que l'on avance. C'est donc non pas pour mes amis qui
lisent ce blog, mais pour les autres, ceux qui ignorent la pratique, que
je veux donner l'image suivante :

Elle est bien petite, mais on trouvera la chose à l'adresse http://ec.europa.eu/research/participants/portal/desktop/en/opportunities/h2020/topics/2330-sfs-15-2014.html.
De quoi s'agit-il ? De rien que moins qu'une justification de la cuisine note à note, puisque la Communauté européenne prévoit de dépenser des dizaines de millions d'euros pour que nous soyons collectivement prêts à consommer des protéines végétales à la place des protéines animales, que nous consommons en trop grande quantité aujourd'hui et qui viendront à manquer quand l'humanité dépassera les 8 milliards d'individus.
Produire des protéines végétales est une chose, mais il faudra les "cuisiner". Or si l'on peut ajouter des protéine végétales à un plat, il devient vite nécessaire de les utiliser comme ingrédients essentiels, et non plus accessoires, et la cuisine note à note s'impose alors absolument.
Ce n'est pas donc un "excité" qui propose la cuisine note à note, mais la Communauté européenne ! Et croyez moi : contrairement à certains, je ne fais pas de lobbying... puisque je n'ai à vendre ni produits, ni idéologie.
Elle est bien petite, mais on trouvera la chose à l'adresse http://ec.europa.eu/research/participants/portal/desktop/en/opportunities/h2020/topics/2330-sfs-15-2014.html.
De quoi s'agit-il ? De rien que moins qu'une justification de la cuisine note à note, puisque la Communauté européenne prévoit de dépenser des dizaines de millions d'euros pour que nous soyons collectivement prêts à consommer des protéines végétales à la place des protéines animales, que nous consommons en trop grande quantité aujourd'hui et qui viendront à manquer quand l'humanité dépassera les 8 milliards d'individus.
Produire des protéines végétales est une chose, mais il faudra les "cuisiner". Or si l'on peut ajouter des protéine végétales à un plat, il devient vite nécessaire de les utiliser comme ingrédients essentiels, et non plus accessoires, et la cuisine note à note s'impose alors absolument.
Ce n'est pas donc un "excité" qui propose la cuisine note à note, mais la Communauté européenne ! Et croyez moi : contrairement à certains, je ne fais pas de lobbying... puisque je n'ai à vendre ni produits, ni idéologie.
Acclimatons les composés : l'acide lactique.
Cette fois, partons
du lait. C'est essentiellement de l'eau, avec du gras et des
protéines. Toutefois, il n'y a pas que ça, et le lait a une saveur
tout à fait extraordinaire, un peu douce, un peu salée, un peu
minérale...
Effectivement le
lait contient de tout petits objets nommés micelles, où des
protéines de la famille des caséines sont cimentés par du
phosphate de calcium : des ions phosphate et des ions calcium.
D'ailleurs, il y a également de ces sels, et d'autres d'ailleurs,
en solution dans la partie aqueuse du lait.
Toutefois ce n'est
pas l'objet aujourd'hui de nous intéresser à ce contenu minéral,
ces ions. Aujourd'hui, il s'agit d'évoquer plutôt l'acide lactique,
qui n'est pas présent dans le lait. En revanche, quand on laisse
fermenter du lait, notamment avec des ferments lactiques qui font le
yaourt, ces ferments, parmi bien d'autres l'action, transforment le
lactose, le sucre du lait, en acide lactique.
A l'état pur,
l'acide lactique cristallise sous la forme d'une poudre blanche, de
saveur acide. Pas l'acidité de l'acide citrique, ni celle de
l'acide acétique, pas l'acidité … Non, l'acidité de l'acide
lactique, et c'est parce que les yaourts , certains fromages, les
choucroutes, les navets sûrs, etc. contiennent acide lactique qu'ils
ont cette saveur délicatement acide. Acide d'une certaine façon.
Acclimatons en
cuisine l'acide lactique !
Acclimatons la capsaïcine.
Dans la famille des
composés piquants, il y a la capsaïcine, qui ne se confond pas
avec la pipérine. Dans le poivre, le principal composé piquant est
la pipérine. Dans les piments, c'est un autre composé, nommé
capsaïcine. Et dans la moutarde, par exemple, c'est l'isothiocyanate
d'allyle.
Ce qui est
particulièrement intéressant, c'est que le piquant de la
capsaïcine, et celui de la pipérine, ne sont pas identiques. Si
vous les goûtez, vous verrez qu'ils piquent des endroits différents
de la langue et de la bouche. Aucun n'a d'odeur, car ils n'agissent
pas sur les récepteurs olfactifs, mais sur les récepteurs du nerf
trijumeau, ce nerf qui vient de l'arrière du crâne, et qui irrigue
nez, bouche, palais. La capsaïcine est peu soluble dans l'eau, mais
très soluble dans l'huile, d'où ces huiles piquantes largement
présentes dans les pizzerias, par exemple. Elle se trouve surtout
dans les graines des piments, raison pour laquelle les Mexicains ont
l'habitude de bien séparer les graines de la pulpe externe des
piments. D'ailleurs, pour caractériser le piquant des différents
piments, a été élaborée une échelle, l'échelle Scoville, et
c'est ainsi que l'on a longtemps rangé les piments les uns par
rapport aux autres par ordre de piquant croissant.
Cela étant, il a été
découvert qu'au berceau des piments, le Pérou, la même espèce ne
donnait pas des fruits du même piquant du nord au sud du pays,
parallèlement à une variation d'humidité : c'est une belle
découverte que d'avoir compris que les plantes se protègent contre
les micro-organismes par la capsaïcine ; quand il fait humide,
plus de capsaïcine est présente, ce qui permet d'éviter les
pourritures et autres attaques de micro-organismes.
En cuisine, l'usage de la
capsaïcine est aussi simple que celui du sel ou du poivre : une
pincée, et le tour est joué. Toutefois, ce qui est plus
intéressant, c'est que le cuisinier moderne, qui cuisine note à
note, dispose ainsi non pas d'un piquant, mais de plusieurs. Imaginez
de jolis petits pots de faïence alsacienne, en grès gris et bleu,
où seraient logés les divers composés piquants.
Chaque poudre a un effet
particulier. Faites l'expérience de goûter divers composés
piquants afin de comparer leurs effets.
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